BERARDELLI: "SE CONCENTRER SUR L'ELEVAGE"

Notre volonté, avec l'interview provocatrice de Franco Castlefranchi, de provoquer un débat hippique constructif a manifestement fait mouche. Nous avons enregistré l'intervention d'Antonio Viani, président de l'Unione prop0rietari del Galoppo, et nous vous offrons maintenant celle d'un collègue libre d'intérêts économiques spécifiques, mais certainement animé d'une profonde passion et connaisseur comme peu de tout ce qui a fait l'histoire du galop italien.
"Il y a quelques jours, au cours d'une longue interview donnée sur ce site, Franco Castelfranchi a tenté de secouer le monde du galop italien. Disons qu'il semble y être entré de manière tendue ou, comme il l'a dit, provocante.
Il a bien fait car, avant qu'il ne soit trop tard, il est important que notre secteur discute au moins de certaines questions fondamentales, voire vitales. Si nous voulons concevoir, à travers un projet d'envergure, l'avenir de notre Galop, nous ne pouvons pas faire l'économie d'idées claires sur plusieurs thèmes ou sujets qui ne peuvent pas nécessairement être évités.Franco a eu le mérite de rappeler à l'ordre les meilleurs esprits car il n'est plus pensable de faire l'autruche. Il est bon de réfléchir au fait que nous risquons une « médiévalisation » de notre Galop, qui se dirige déjà vers une sorte de nuit noire.Nous sommes sur une crête dangereuse, et Franco a correctement énuméré de nombreux points qui devraient faire l'objet d'une réflexion puis d'une action. En ce moment, nous avons une grande chance de pouvoir compter sur le soutien total de l'institution de référence de notre monde, à savoir le ministère de l'agriculture, qui a notre sort à cœur.
Il serait grave que notre monde ne puisse pas participer, en tant que moteur intellectuel indispensable, à cette entreprise méritoire du ministère, en l'accompagnant intellectuellement et en dessinant ensemble les contours de l'indispensable projet de relance qui ne peut plus être différé.
Le savant appel de Franco Castelfranchi ne peut rester un exercice académique mais doit initier un mouvement de participation intelligente dans le secteur. Nous ne devons pas perdre nos fondamentaux, nous devons les réaffirmer aussi pour les nouvelles générations, nous sommes vraiment face à un moment fondateur pour notre secteur et en particulier pour le Galop. Il serait impardonnable, craint Franco, de ne pas être les architectes de notre destin. L'avenir du Galop italien en dépend.
Gustav Mahler nous a appris que la tâche cultivée et intellectuelle est d'entretenir le feu et non de garder les cendres. Le Galop italien, presque « hégélien », s'est périodiquement interrogé et s'est aussi donné une réponse qui a permis une synthèse capable de dépasser la période précédente et d'en dessiner une autre. Il l'a fait à l'aube du XXe siècle en réaffirmant avec conviction la place incontournable du Galop dans un contexte international, en important des étalons et des poulinières, en concevant un calendrier de plus en plus synergique avec celui de l'Europe.
Peut-être par hasard, mais elle fut récompensée par les triomphes du Cavalier Ginistrelli et ce n'est pas un hasard, par exemple, si c'est un Felice Scheibler « éclairé » qui remporta les premières éditions de Parioli et d'Elena. Entre les deux guerres, voici l'un de nos « âges d'or », absolument le résultat d'un engagement cultivé de nos grands opérateurs : Apelle, Ortello, Crapom, Pilade, Navarro, le Cavaliere (il le considérait comme son meilleur), Sanzio, Archidamia, Nogara, Delleana, Erba, Jacopa del Sellaio, Donatello, Nearco, Niccolò, Bellini jusqu'à Macherio et surtout Orsenigo stoppé seulement par la guerre. Une saison extraordinaire et cultivée qui a été suivie, après avoir remis les paramètres à zéro, par la période de l'après-guerre jusqu'au milieu des années soixante : Tenerani, Fante, Nuccio, Botticelli, Ribot, Marguerite Vernaut, Molvedo, Exar, Prince Royal, Rio Marin, Tadolina, Hogart, Appiani....
Autre moment d'or qui a précédé la merveilleuse saison qui a marqué une nouvelle croissance intellectuelle de notre secteur capable de se donner une dimension pleinement internationale, les inoubliables années 70 de Carlo D'Alessio et Carlo Vittadini, et pas seulement, soyons clairs, auxquelles les années 80 de, pour ne citer que deux chevaux, Toni Bin et Carrol's House ont servi de contrepoint. Sans oublier les années 90 et la première décennie des années 2000. Ce discours pour nous rappeler qu'il y a bien un feu vivant qu'il ne faut pas laisser se transformer en cendres... Avant qu'il ne soit trop tard.
Franco a abordé de nombreux thèmes justes. L'un d'entre eux, palpable, est celui de la situation de nos modèles. Je me souviens qu'au début des années 1990, l'Italie et l'Irlande avaient le même nombre de modèles, alors qu'aujourd'hui, .....C'est pourquoi nous devons entretenir le feu, voire l'alimenter. Les modèles et les listings italiens galopants et leur situation d'énorme détresse sont en fait des tests décisifs ou des thermomètres d'un état de fièvre élevé dans le secteur. Il n'y a aucun doute à ce sujet mais, attention, ce n'est pas en se précipitant pour essayer de guérir les modèles et les listes que nous pourrons guérir le secteur du galop. Ce ne serait qu'un palliatif et, pour moi, c'est une grave erreur de ne pas soigner l'ensemble du corps du « patient » galop. Si nous y parvenons, je pense que la fièvre des patrons et des listings disparaîtra automatiquement. Comment y parvenir ?
Comme je l'ai déjà dit, par le biais d'un grand projet qui sait comment concevoir l'avenir du secteur.
Cela s'est produit périodiquement dans notre histoire : dans la seconde moitié du XIXe siècle avec la création de Jockey et Steeple, moteur fondamental du progrès, puis au début des années 1930 avec l'invention d'Unire, étroitement lié au ministère de l'Agriculture, puis à la fin des années 1950 lorsque, ope legis, le caractère obligatoire de soutenir au maximum notre élevage a été introduit, et enfin, dans la seconde moitié des années 1970, lorsque, intellectuellement et culturellement, sous l'impulsion de l'action de certains de nos propriétaires, éleveurs et exploitants (deux noms qu'il est impossible de ne pas répéter : Carlo Vittadini et Carlo D'Alessio) notre monde du galop a décidé d'avoir le courage de s'ouvrir à la comparaison (ici aussi un nom courageux et déterminé : Franco Aloisi Président du Jockey) en faisant de tous nos classiques et courses, qui à l'époque n'étaient que pour nous, ou plutôt pour les seuls chevaux indigènes, un lieu de comparaison. Anti-historique au possible, mais Franco Aloisi, pas seul bien sûr, nous a ouvert au monde et cela a conduit nos meilleurs esprits (Franco a vécu ce moment comme un protagoniste) à réfléchir et à concevoir un ensemble d'interventions qui ont permis à notre élevage, à partir de la fin des années 80, de se montrer vraiment compétitif comme l'exigeait notre passé et comme je l'ai souligné plus haut.
Ce furent les années, je cite de mémoire et donc j'oublie peut-être les meilleures, de nos reproducteurs Electrocutionist, Worthadd, Falbrav, Le Vie dei Colori, Prince Kirk, Ramonti, Rakti, Blu Constellation, Rip Van Winkle, Slap Shot, Groom Tesse, Gentlemen Only, Tisserand, Pressing, Altieri, jusqu'à Sea of Class, Way To Paris et Regional et je demande encore pardon pour ceux que j'ai oubliés. Qu'est-ce que je veux dire ? Que si en Italie l'élevage est fort et produit des champions, alors inévitablement toute importation de poulains doit avoir un niveau bien meilleur que le niveau actuel. Évidemment, dans ce cas, les invités étrangers qui viennent courir dans nos courses de sélection doivent également avoir un niveau beaucoup plus élevé afin de gagner ou au moins de se classer.
Cela ressemble à l'œuf de Colomb, mais c'est la réalité. Il est également évident qu'avec de telles participations, qu'elles soient autarciques ou étrangères, la valeur de nos modèles et de nos listed serait, comme elle l'était jusqu'à la première décennie de l'an 2000, parfaitement en ligne avec les exigences pour être groupe un, deux ou trois.
Jusqu'au début des années 70, notre élevage était très en vue grâce à l'engagement et à l'investissement de nos opérateurs. À partir des années 70, les subventions à l'élevage ont été absolument décisives et salvatrices (je me souviens qu'elles ont été instituées par une loi à la fin des années 50, incorporée dans la précédente loi Tesio-Mangelli de 42, abrogée par la suite), ce qui a permis à nos éleveurs (merveilleusement représentés par l'ANAC) d'investir dans l'achat de montures et dans les frais de voyage y afférents ou même dans l'achat de juments ou de juments sorties de l'entraînement avec des exigences déterminées. Tant que les Provvidenze fonctionnaient, les fruits étaient évidents, depuis qu'elles ne sont plus là, notre production (également complice de la récession en termes de ressources générales) a drastiquement chuté en termes de quantité (environ deux tiers) et malheureusement de qualité, mettant en branle le mécanisme qui avait plutôt généré le succès. Pour vous donner une idée, considérez que déjà au début du 20ème siècle notre mouvement avait opéré sur le marché international et je pense ici à l'importation de Signorino, un étalon exceptionnel pour ces années-là en Italie, ou aux premières acquisitions étonnantes de Senatore qui ont montré leurs fruits dans les années 1920.
Mais c'est de la fin des années 20 jusqu'au début de la guerre que notre Turf s'est merveilleusement internationalisé avec sa production indigène que j'ai évoquée tout à l'heure, ainsi que pour la période d'après-guerre. Nous avons une grande histoire, certes derrière nous, qui, dans les années 1970 et dans le contexte du Mercure, s'est révélée exceptionnelle, créant une magnifique course à l'émulation, et nous prenons en compte les grands succès obtenus par Luca Cumani en tant qu'entraîneur à Newmarket ou par
Gianfranco Dettori puis son fils, le gigantesque Lanfranco.
Là aussi, nous avons ouvert une voie qui est aujourd'hui empruntée par nos opérateurs, et avec succès. La providence de l'élevage a permis surtout les excellentes années 90 et la première décennie 2000, les noms sont connus de tous parce qu'ils sont actuels, voulant à ceux faits avant et non exhaustifs chacun peut en ajouter beaucoup d'autres. C'est, à mon avis, la voie qui peut faire revivre nos patrons et leur faire retrouver leur cote autrefois importante. Sans oublier, bien sûr, toutes les questions fondamentales sur lesquelles Franco Castelfranchi nous a tous appelés à réfléchir et à débattre (elles sont bien énumérées dans l'interview de La Grande Hippique Italiana). Sereinement et dans un esprit constructif. Nous reviendrons à l'excitation !
Mario Berardelli